Chers amis,
Bonjour. Cela fait plus 'une semaine que je n'ai pas trouvé la force de communiquer avec vous. Je suis trop épuisé physiquement et mentalement. Le carbonate de lithium - ajouté au rilluzole - et censé augmenter la durée de vie a provoqué toute la semaine des états nauséeux insurmontables. A quoi sert de vivre dans un état tel que celui-là. Incapable de poser un pied devant l'autre sans perdre l'équilibre. Incapable d'affronter le moindre plat sans sentiment de répulsion. Alors j'ai décidé d'arrêter. Reste le rilluzole seul. Cela ne sert à rien de s'acharner sur un plan thérapeutique. Oui, je vai de plus en plus mal et je le dis lucidement. Atteinte des membres supérieurs, langue lourde, difficulté respiratoire au delà de la difficulté à marcher. J'ai envie que tout ceci s'arrête plus souvent qu'au début tant tout cela devient pesant. Les nuits sont sans sommeil, les journées sans répis. Je suis "décalqué".
A 44 ans, je suis devenu l'ombre de moi-même. Tout mon temps "en capacité phyisique" est désormais dédié aux amis et aux enfants. Le compteur tourne très vite. A ce rytme là, combien de temps me reste t'il ? Dimanche 18 mai, ma secrétaire Marie-France - dont l'humanité est sans équivalent - avait organisé un déjeuner chez elle suivi d'une heure de poney pour les enfants. Au matin du 18 mai, il m'a fallu transcender cette douleur physique, cacher au maximum la difficulté à marcher et me traîner jusqu'à la gare de Lyon Direction Milly La Foret. Antoine (11 ans) comprend tout, exhorte ses frères à m'attendre et me donne la main. Photos dans le train. J'ai mal. Mais pour des souvenirs inoubliables pour les enfants, je donnerais tout. Les poneys s'appellent Vanille, Pin-Up et Léo. Les enfants n'oublieront pas. Merci Marie-France. Et toujours ce même déchirement, ces enfants que je ne verrai pas grandir. Un vrai besoin de hurler.
Le mercredi 21 mai, j'ai la visite de Philippe " Thierry, tu as des amis et tes enfants". Tiens pour eux. Même exhortation la veille de Guy. Mais quelle spectacle, j'offre à mes enfants ? Dans l'après-midi, nous avions prévu de visiter l'usine d'un industriel ami. Pendant toute sa vie professionelle, papa s'est occupé de grandes marques et à chaque repas, la table est garnie des produits des clients de papa. Je ne vais pas y arriver, tant je suis faible physiquement et les nausées violentes. Ma femme m'exhorte. "Mais enfin, sois responsable, tu ne peux pas y aller, tu as trois petits enfants avec toi. Quid si il t'arrive quelque chose". Et le miracle se produit, pour eux, je transcende la douleur. Souvenir inoublialbe. Photos et souvenir. Objectif atteint.
Journée "horribilis" le 23 mai. 9ème anniversaire de mon second fils. Le dernier auquel j'assiste, je présume. C'est les yeux remplis de larmes que je lui souhaite. Et puis les enfants rentrent de l'école avec des petits cadeaux pour la fête des mères. La aussi, même sentiment de "dernière fois". Et pire encore, la confirmation d'Antoine étant le 8 juin, j'ai du aller chercher le certificat de bapt^me à la Paroisse Saint Blaise dans le 20ème anniversaire, là où nous avions baptisé Antoine. Moins d'une dizaine de marches séparent le taxi de la Paroisse. Je m'effondre épuisé phyisiquement et mentalement. Dix ans seulement que nous baptisions Antoine dans cette petite église. Un passant me relève, me demande ce qu'il se passe, veut appeler le Samu. Le poids de l'émotion est trop puissant. Les années bonheur repassent dans ma tête. Incapable de retenir mes sanglots dans le taxi retour. Pourquoi, mais pourquoi, dix ans seulement ? J'ai envie de hurler. De retour à l'appartement, je n'ai plus la force que de pleurer. Oui, je vais mal, définitivement mal.
Quand j'allais mieux il y a deux mois, Guillaume m'avait suggéré d'amener mon fils Antoine à la finale PSG-OL au grand Stade et m'avait offert deux places. Vers 18:00, au plus mal, je me dis que je ne vais pas y arriver. Et puis Antoine arrive avec un maillot du PSG pour moi. "Tu viens papa". La aussi le miracle se produit. J'arrive à me lever et mettre des chaussures. Antoine me donne la main. Je reste assis pendant tout le match. Nous prenons des photos. J'ai envie de lui hurler mon amour, de le serrer dans mes bras, lui mon sang, mes yeux, mon visage, mon sourire. Putain, Antoine, je t'aime, Arnaud, Adrien....Mais pourquoi donc ne vous verrais je pas grandir. C'est ce sentiment qui me déchire le plus.
Il faut pourtant tenir. Le 9 juin, ma femme et moi avons rdv à la salpé. On passe de la phase diagnostique à la charge prise en charge. On nous dira comment expliquer aux enfants, comment vivre les phases de dégradation phyisque...
Aidez moi, je suis au bout du bout...
Merci.
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